par Richard Jungas

Pour la saison 2012-2013, les Los Angeles Lakers cherchent alors à retrouver les Finales NBA qu’elle a connu pour la dernière fois avec les titres de 2009 et 2010, et s’est constitué une équipe de rêve avec les arrivées de Dwight Howard, triple meilleur défenseur de la NBA, de Steve Nash, ancien double MVP, et de Mike D’Antoni au poste de coach. Tout ce beau monde s’ajoutant à Kobe Bryant et à Pau Gasol, les pièces maîtresses du « back-to-back » 2009-10. Malgré leurs stars, entre blessures, manque de cohésion et changements de coachs, les Lakers ne répondent pas aux attentes et finissent par lutter pour une place en Playoffs. Kobe Bryant, star des Lakers, joue beaucoup, peut-être trop, pour permettre aux Lakers de se qualifier en Playoffs. Il passe en effet plus de 40 minutes par match sur le terrain pendant ce mois d’avril et se démultiplie pour assurer à sa franchise de toujours une place en « postseason ». Portant son équipe sur les épaules, le Black Mamba réalise-là l’un des plus grands chefs d’œuvres de sa carrière avec cette course aux Playoffs et une nouvelle saison incroyable dont même les statistiques folles n’arrivent pas à rendre à Kobe ce qui est à Kobe : 27.3 points, 5.6 rebonds et 6 passes en 38.6 minutes par matchs à 46% aux shoots, dont 32% à 3 points, et 84% aux lancers-francs. Et tout cela à 34 ans avec déjà 17 saisons NBA dans les pattes !

On se retrouve alors le 12 avril 2013, à quelques matchs des débuts des Playoffs. Il reste trois minutes à jouer dans une rencontre serrée face aux Golden State Warriors des jeunes étoiles montantes Stephen Curry et Klay Thompson. Après avoir planté 47 points en 48 minutes deux jours plus tôt face à Portland pour offrir une victoire précieuse à son équipe, Kobe en est à 32 points ce soir-là, dont 10 dans le dernier quart-temps, afin de ramener les Lakers à hauteur de leurs adversaires du soir quand, sur un drive main gauche face à Harrison Barnes, Kobe Bryant s’écroule …  Le Staples Center est tout à coup envahi par un silence rare quand une faute est sifflée en faveur de l’arrière. L’image peut sembler anodine car le joueur des Lakers s’écroule en l’absence d’un choc, à l’image d’un Kevin Durant qui se blesse lui aussi sur une tentative de drive, face au Toronto Raptors dans le Game 5 des Finales NBA 2019, mais le tendon d’Achille est rompu. À terre, Kobe Bryant s’est rendu compte lui-même de l’état de son tendon en le voyant « roulé en boule au bas de [sa] jambe », mais il essayât quand même de trouver un moyen de continuer le match.  

  

Il racontera plus tard avoir essayé (en vain évidemment) de rattacher son tendon rompu afin de jouer les trois minutes restantes, avant de devoir se résigner à aller sur la ligne, en grimaçant, et à tirer ses deux lancers-francs. Professionnel jusque dans la douleur, Bryant ne tremble pas et les convertis les deux, respectivement ses 33ème et 34ème points de la soirée (et derniers de sa saison), avant de quitter la salle. En sortant du terrain, Kobe croise le regard de sa femme qui comprend tout de suite que la blessure est sérieuse. Puis, il rejoint le vestiaire et s’allonge sur la table du kiné, entouré du préparateur physique Gary Vitti et du chirurgien Patrick Soon-Shiong. Ce dernier lui parle alors d’une nouvelle procédure très prometteuse mais qui ne fonctionne qu’en se faisant opérer avant la cicatrisation des tissus, c'est-à-dire dès le lendemain. Après un légère hésitation Kobe accepte et l’opération est planifiée pour le lendemain matin (pour l’anecdote, il dût se doucher avec des béquilles avant d’aller parler à la presse). À 34 ans et après 17 saisons NBA, envisager mettre un terme à sa carrière traversa l’esprit de l’arrière star des Lakers qui n’avait plus rien à gagner ni à prouver : « Le pire moment de ma carrière. Un des plus sombres. J’ai envisagé d’arrêter, je finissais ma dix-septième année dans la ligue, mon corps commençait à me lâcher. ». Pourtant, le corps criblé par les innombrables blessures qu’il a subi et qui viennent souligner encore un peu plus son incroyable résilience, Kobe repart directement au combat. Il appréhende alors cette blessure comme un nouveau challenge, ce qu’il appellera son « Everest », refusant d’être poussé à la retraite par une blessure car il voulait s’arrêter quand lui, et lui seul, l’aurait décidé. Cette blessure marque le début de la chute des Lakers qui devront attendre l’arrivée de LeBron James en 2018 pour se relever. En effet, sans Kobe Bryant, les Lakers finissent 7ème de leur Conférence et se qualifient aux Playoffs, desquels ils seront sèchement éliminés 4-0 dès le premier tour par les San Antonio Spurs du trio Tim Duncan, Manu Ginobili, Tony Parker, et du coach Gregg Popovich. Après cette élimination, l’effectif des Angelinos est largement modifié et les Lakers s’enfoncent dans les bas-fonds de la Conférence Ouest en finissant 14ème en 2013-2014 (saison que Kobe rate en majeure partie en raison d’une blessure à un genou) puis en 2014-2015, avant de finir 15ème et derniers de leur Conférence avec le plus mauvais bilan de l’histoire de la franchise (17 victoires pour 65 défaites) l’année suivante. Cette saison 2015-2016 qui servira de tournée d’adieu pour Kobe, se ponctuant magnifiquement par ses 60 points et la victoire dans le « moneytime » face au Utah Jazz pour son dernier match. Il faudra attendre que le duo LeBron James-Anthony Davis ne conduise les Angelinos au titre en 2020 pour que les Lakers retrouvent les Playoffs après une disette de 6 saisons, un record dans l’histoire de la franchise. Cette blessure est également synonyme de déclin pour l’un des plus grands joueurs du basketball. Après 17 ans au plus haut niveau à pousser son corps à la limite pour marquer l’histoire de son sport, ce dernier commençait à devenir de plus en plus douloureux et récupérait de moins en moins vite. Kobe n’avait encore jamais subit de blessure majeure dans sa carrière mais en 17 saisons de NBA son corps avait subi de nombreux chocs et des blessures plus ou moins bénignes. Ce 12 avril il souffrait déjà d’une hyperextension du genou, survenue plus tôt dans le match, et guérissait une entorse de la cheville contractée quelques jours plus tôt. Alors qu’il semblait incassable et maîtrisait son corps à la perfection, Kobe dû tout d’un coup s’arrêter net face à une telle blessure et annoncer une durée d’indisponibilité pouvant aller jusqu’à 1 an. Assez logique pour une blessure nécessitant au moins 6 mois, voire plus, certains cas pouvant prendre plus d’un an pour permettre au tendon opéré d’être assez solide. Contrairement à une blessure musculaire, il n’est pas possible de précipiter un retour d’une telle blessure car si l’on revient trop tôt ça ne tient pas. L’immense compétiteur qu’était Kobe dût alors se faire violence pour se montrer patient et écouter les docteurs, alors qu’il avait pour habitude de jouer blessé, ou plutôt de « guérir en jouant » comme il le disait. Sa blessure au doigt le 11 décembre 2009, qui le força à modifier sa technique de shoot, le montre bien. En effet, ce soir-là Kobe Bryant se blesse à l’index droit et retourne aux vestiaires avec Gary Vitti, préparateur physique des Lakers depuis quasiment trente ans, afin de passer une radiographie pour évaluer la gravité de la blessure. Cette dernière révéla alors que le doigt était fracturé. C’est alors que Kobe lance à Vitti : « OK, très bien. Maintenant, débrouille-toi pour que j’y retourne. », sous le regard effaré du membre du staff. Kobe surenchérit alors en lui demandant : « Est-ce que ça va s’arranger si je n’y vais pas ? », question à laquelle Vitti répondit non et Kobe conclut alors en disant : « Exactement, on ne peut rien y faire pour l’instant et ça ne peut pas s’aggraver. Alors, tu me bandes le doigt et on y retourne. ». Cette réflexion c’est celle qu’il appliqua à chacune de ses blessures : s’il n’y a pas de risque de l’aggraver en jouant alors il trouvait un moyen de jouer malgré la douleur. Cette fracture au doigt nécessitât un bandage pour la fin du match mais également la fin de la saison 2009-2010, pour chaque entraînement, chaque échauffement, chaque match, jusqu’au titre NBA acquis face aux rivaux des Boston Celtics. Blessure qui l’obligera à modifier sa technique de shoot afin de moins utiliser l’index blessé et davantage son majeur, dans le but d’éviter une opération. Mais cette fois, 4 ans plus tard, Kobe ne peut échapper au repos forcé puis à la rééducation, ce qui, pour un acharné de travail comme il l’était, devient vite ennuyeux. De ses propres aveux : « Il faut faire la rééducation physique tous les jours, et c’est ennuyeux. C’est très ennuyeux. Il faut savoir se fixer et atteindre des petits défis pour éviter cet aspect ennuyeux au quotidien. ». Il revient finalement au bout de 8 mois pour jouer seulement 6 petits matchs lors de la saison 2013-2014, pour des statistiques faméliques pour un joueur de son calibre : 13.8 points (sa plus mauvaise moyenne depuis sa saison rookie) à 43% aux shoots et seulement 19% à 3 points, 4.3 rebonds, 6.3 passes en moins de 30 minutes par matchs avant de se blesser à nouveau, cette fois au genou. On ne le reverra pas de la saison. On le retrouve à un niveau plus correct la saison qui suit (22.3 points, 5.7 rebonds et 5.6 passes, malgré des pourcentages peu reluisants avec 37.3% au shoot et 29.3% à 3 points) mais elle est à nouveau tronquée par des blessures qui l’empêchent de jouer plus de 35 matchs. Finalement, il retrouvera des sensations pour sa vingtième et dernière saison NBA, à 37 ans, malgré des statistiques à nouveau loin de celles de ses plus belles saisons : 17.6 points (35.8% aux shoots, dont 28.5% à 3 points), 3.7 rebonds et 2.8 passes en 28 minutes en 66 matchs. On est bien loin du niveau de l’ancien MVP 2008, double MVP des finales en 2009 et 2010, et troisième meilleur marqueur de l’histoire de la NBA au moment de sa retraite (dépassé depuis par LeBron James) avec 33 643 points marqués en saison régulière en 20 saisons, toutes aux Lakers. Finalement, cette rupture du tendon d’Achille un soir d’avril 2013 apparaît comme un véritable tournant de la carrière de la légende des Lakers, partie lors d’un tragique accident en hélicoptère le 26 janvier 2020 alors qu’il accompagnait sa fille à un match de basket. Après cette blessure, on ne reverra plus le Kobe Bryant dominant tous les soirs et terrorisant les défenseurs match après match. En dépit d’un niveau individuel en berne et de résultats collectifs catastrophiques, le Mamba, dans sa quête infinie de records, continua soir après soir à tout donner pour ce sport avant de se retirer. On aura eu l’occasion d’admirer ce grand champion et cet immense compétiteur une dernière fois le 13 avril 2016 face au Jazz. Se transcendant une dernière fois pour l’occasion, il inscrit, sous les yeux d’un public venu lui rendre hommage une dernière fois, 60 points et offre la victoire à son équipe en guise d’adieu. Mamba Out !