Par Jean VEILLEROT
Durant la saison 1998-1999, une grève a frappé la NBA pendant presque 7 mois. Pendant que toutes les activités basket sont suspendues, la négociation du CBA fait rage. Les joueurs et les propriétaires s'affrontent pour obtenir le meilleur accord financier possible. C'est le lock-out.
Celui de 1998-1999 est le troisième de l'histoire de la NBA. Le premier a duré 3 mois et se déroulait en 1995, pendant l'intersaison. Le deuxième, en 1996, a tenu seulement quelques heures. Mais qu'est-ce qu'un lock-out ? C'est une période de grève due à un désaccord opposant le syndicat des joueurs à la ligue et aux propriétaires de franchises. Au centre des débats : les négociations des clauses du CBA. Le CBA est le contrat liant les acteurs de la NBA. Il définit les règles pour tout ce qui concerne l'argent. Ce contrat dure 6 ans et doit donc être renouvelé après ce délai.
UNE LISTE DE COURSE BIEN FOURNIE
Maintenant que vous avez bien appris vos définitions, on peut continuer notre cours d’histoire-géopolitique. En 1995, un nouveau CBA est mis en place après le premier lock-out. Mais il contient une clause permettant aux propriétaires de renégocier les termes du contrat 3 ans plus tard. Un levier sur lequel les dirigeants peuvent appuyer si 51,8% des revenus de la NBA liés au basket sont utilisés pour payer les joueurs. À la date fatidique, en 1998, la barre est largement dépassée. Les joueurs empochent 57,1 % des revenus NBA. Les proprios activent donc cette clause. De plus, selon la NBA, 15 des 29 franchises de la grande ligue sont déficitaires. Mais selon l'association des joueurs, la NBPA, seules 4 équipes perdent de l'argent. Une petite guéguerre commence donc entre les deux camps. Les négociations n'aboutissent pas et ce bazar va prendre une plus grande ampleur. Le 1er juillet 1998, le lock-out démarre.
Chacun a des exigences précises. La NBPA menée par Patrick Ewing veut la suppression des agents-libres restreints, l'augmentation du salaire minimum et éviter que le salary cap ne baisse. De leur côté, les propriétaires et David Stern, le commissionnaire de l'époque, souhaitent supprimer ou modifier la « Larry Bird exception ». Règle permettant de signer un joueur à n'importe quel prix en dépassant le salary cap. Ils exigent aussi l'instauration des contrat max suite à l'énorme prolongation de Kevin Garnett de 126 millions sur 6 ans, alors qu'il n'a joué que 2 piges dans la ligue. De plus, comme à cette époque les joueurs aiment bien tout ce qui est rails et joints – et on ne parle pas de train ou de BTP – Stern veut renforcer sa politique anti-drogue.
LES JOUEURS NBA, LES ROIS DE LA COMMUNICATION
Avec ce lock-out, les équipes sont totalement immobilisées. Aucun trade n'est possible. Mais pour elles, ce n'est pas un énorme désastre financier. Les proprios reçoivent l'argent des droits TV car le contrat avec les diffuseurs prévoit des paiements même en cas d'absence de matchs. En revanche, les joueurs ne sont pas rémunérés ce qui donne un moyen de pression aux dirigeants. Et ce n'est pas tout. Les joueurs se mettent le public à dos. Les fans voyaient déjà le lock-out comme une dispute entre des milliardaires et des millionnaires avides d'argent, mais en plus, certains joueurs leur donnent raison en signant des déclarations maladroites. Par exemple, dans le New York Times, le meneur des Celtics Kenny Anderson parle d'un de ses problèmes, commun à toutes les personnes ayant des soucis financiers. Il dit, à propos des 75 000 dollars annuels d'assurances alloués à ses voitures : « Je pense vendre l'une de mes voitures. Je n'ai pas besoin de toutes. Vous savez, juste me débarrasser de la Mercedes. »
Heureusement tonton Jordan est là pour soutenir ses anciens punching-ball. Sa retraite n'est pas encore officielle mais est quasiment actée. S'il se dirige vers une reconversion en tant que propriétaire de franchise, Jojo va prendre le parti des joueurs lors d'une réunion à New York entre basketteurs et dirigeants. Il va d’ailleurs houspiller ses futurs collèges et notamment Abe Pollin, le proprio des Wizards. En s'adressant à lui et à David Stern, Jordan lance : « Si c'est pour continuer à verser de piètres chèques à de piètres joueurs, on ferait peut-être mieux de ne plus être propriétaires. » Suite à cela, Pollin se plaint de la difficulté de gérer une écurie, ce à quoi MJ répond : « Alors vends-là ton équipe ! » On se demande comment « His Airness » a fait pour devenir co-propriétaire des Wizards après cela.
DU POSTPONED EN VEUX-TU EN VOILÀ
Le temps passe et aucun compromis n'est trouvé. Le 25 septembre, les matchs d’exhibition et le training camp sont reportés à une date indéterminée. Et l'inévitable arriva le 13 octobre, les deux premières semaines de la saison sont supprimées. La NBA était la seule ligue majeure américaine n'ayant jamais annulé un match pour cause de grève. Ce temps est donc révolu. De plus en plus de matchs sont déprogrammés, puis c'est au tour du All Star Game de passer à la trappe.
La situation n'est plus tenable et David Stern lance un ultimatum le 23 décembre. Il annonce que si aucun accord n'est trouvé au 7 janvier, la saison entière sera annulée. Le 27 décembre les propriétaires rendent leur proposition finale lors d'une réunion. Les joueurs refusent et donnent eux aussi une dernière propale le 4 janvier. Mais alors que tout espoir de sauver la saison 1998-1999 semble éteint, le 6 janvier, soit un jour avant la date limite, un arrangement est trouvé entre les deux camps.
LES FANS PARTENT ET LES KILOS ARRIVENT
Le nouveau contrat est signé le 20 janvier et le lock-out est donc levé après 204 jours de grève. Ce contrat s'est autant fait attendre que celui de l'octogone Booba-Kaaris, mais celui du CBA est bien paraphé et on en connaît le contenu. Le contrat max est appliqué et sa valeur varie en fonction du temps passé par le joueur concerné en NBA. La « Larry Bird exception » est maintenue mais l'augmentation de salaire annuel accolée à cette clause est plafonnée. Les agents-libres restreints sont aussi toujours d'actualité et le salaire minimum a été augmenté de 15 000 dollars, enfin une bonne nouvelle pour les joueurs. Cependant, pour le plus grand malheur des amateurs de marijuana – et on ne parle toujours pas de la copine de spider-man – la politique anti-drogue devient plus sévère.
La saison reprend le 5 février 1999. Chaque équipe doit jouer 50 matchs mais les conséquences de ce lock-out sautent aux yeux. La réputation de la ligue a pris un coup. Les audiences TV sont en baisse et les gradins sont moins remplis que d'habitude. L'absence de Jordan y est aussi pour quelque chose. De plus, le niveau des joueurs est loin d'être au rendez-vous. Sans matchs de pré-saison et avec un training camp raccourcit, les rookies ont du mal à s'intégrer dans la grande ligue. Et pendant cette longue période sans entraînement, certains ne se sont pas fait prier pour renflouer les caisses des fast food. C'est le cas de Shawn Kemp, revenu avec 15 kilos en trop. Surpoids qu'il n'a pas réussi à perdre par la suite, surpoids responsable de son déclin. Globalement, les pourcentages, le rythme et donc le nombre de points par matchs ont baissé. Ces conditions favorisent les surprises. Les New York Knicks, 8èmes de leur conférence, finissent en finale NBA.
Ce lock-out a donc eu des conséquences économiques, surtout pour les joueurs car ils ne touchent pas tous 10 millions par ans, et sportive car le niveau de jeu global a chuté dans cette saison1998-1999. Cette longue pause nous rappelle ce qui est trop souvent oublié : la NBA est avant tout un business où l'argent peut être privilégié au sport.