par Richard JUNGAS

Meneur emblématique des New York Knicks, Walter Frazier Jr., ou plus simplement Walt Frazier, naît le 29 mars 1945 à Atlanta, en Géorgie (États-Unis). Aîné d’une fratrie de 9 enfants, Walt grandit dans le sud des États-Unis des années 50 et souffre de la ségrégation raciale qui y règne à l’époque. Athlète polyvalent, il est doué pour de nombreux sports au lycée et réussit aussi bien au football américain, qu’au baseball et qu’au basketball. En dépit d’un très bon parcours lycéen à la David Howard High School à Atlanta, il est refusé dans de nombreuses universités du sud des États-Unis en raison de sa couleur de peau, et n’a que très peu de propositions. Ses talents en tant que quarterback au football américain lui obtiennent des propositions de bourse d’étude de la part des universités de Kansas et Indiana mais il optera finalement pour la Southern Illinois University à Carbondale dans le nord des États-Unis. Il racontera plus tard qu’il espérait devenir joueur pro et que comme aucun quarterback professionnel n’était de couleur, sa décision se porta sur le basketball (bien lui en a pris). Il est l’auteur d’une très belle carrière universitaire avec les Southern Illinois Salukis puisqu’il mène sa « petite » fac en finale de la seconde division NCAA avant de devenir la première petite école à remporter le National Invitation Tournament, dont il est élu meilleur joueur du tournoi. Malgré une exposition médiatique moindre puisqu’il évolua pour une fac de seconde division, son style tout en fluidité et en agressivité attire les regards des scouts NBA et il est sélectionné en 5e position de la Draft 1967 par les New York Knicks et arrive dans une franchise mythique.

 

Les New York Knicks (de leur nom complet les New York Knickerbockers, du nom d’un personnage emblématique du roman « A History of New York ») figurent parmi les onze équipes originelles de la NBA en 1946 et sont célèbres notamment de par leur salle, le Madison Square Garden, considérée comme le temple du basketball. Toutefois, la franchise de New York n’est alors toujours pas parvenue à remporter le moindre titre NBA malgré ses 20 ans d’histoire (comme quoi les Knicks ont souvent galéré), mais cela s’apprête à changer. Celui que l’on surnomme « Clyde » à son arrivée en NBA car il reprend le style vestimentaire du bandit du film « Bonnie and Clyde » sorti en 1967, va devenir une véritable vedette new-yorkaise avec son chapeau en velours Borsalino, son manteau de fourrure, ses célèbres pattes sur les joues et ses arrivées au Madison Square Garden en Rolls Royce (on ne se refuse rien). Incarnation du style et de la classe new-yorkaise en dehors des terrains, il était sur les terrains un joueur agile et élégant à voir jouer, dont son coéquipier Bill Bradley dira « Clyde est le seul joueur que j’ai vu que je décrirais comme un artiste ». Les premières minutes de Walt sur un terrain NBA ont lieu le 28 octobre 1967 dans une défaite face aux Detroit Pistons. Il se souvient être arrivé nerveux à ce premier match car la franchise avait mal débuté sa saison, en enchaînant plusieurs défaites en l’absence de Frazier (blessé à une cheville), et avec un public du Madison Square Garden hostile qui huait ses joueurs pour leurs mauvais résultats. Son début de saison rookie n’est pas vraiment une réussite, il joue peu et peine à briller pendant les quelques minutes qu’on lui donne, mais l’arrivée du nouveau coach Red Holzman va lui permettre d’acquérir davantage de temps de jeu et il finit sa première saison avec 9 points, 4 rebonds et 4 passes en un peu plus de 20 minutes par matches. Cela lui permet d’être élu dans la All-Rookie First Team 1968 en compagnie de son coéquipier Phil Jackson (pas mauvais au coaching). Plus en confiance et avec davantage de liberté sous les ordres de Red Holzman, Frazier explose dès sa seconde saison NBA en doublant ses moyennes aux points (de 9 à 17.5) et à la passe (de 4 à 7.9), y ajoutant 6.2 rebonds en passant presque 37 minutes sur le terrain. Sa belle deuxième saison est récompensée par sa sélection dans la NBA All-Defensive First Team 1969, en compagnie de son coéquipier Dave DeBusschere. Meneur athlétique et explosif pour l’époque, Frazier dominait régulièrement ses adversaires en défense, au rebond, mais également lorsqu’il attaquait le cercle. Le meneur de 1.93 m et 91 kg était doté d’une vision périphérique exceptionnelle, il était capable de contrôler le jeu, mettait tous ses coéquipiers en valeur et pouvait se révéler décisif en attaque comme en défense. Clé de voûte du jeu de Red Holzman, Frazier collait parfaitement à l’identité de jeu que voulait insuffler son coach. Ce dernier laissait ses joueurs organiser l’attaque comme bon leur semblait avec une seule directive, faire tourner la balle pour empêcher qu’un ou plusieurs joueurs ne la monopolisent. En revanche, Holzman tenait à travailler sur l’aspect défensif car il voyait une défense solide comme nécessaire pour gagner des gros matchs. Ainsi Frazier, de par ses qualités défensives, son talent à la passe et dans la gestion était un parfait relai du coach sur le terrain et un véritable pilier du jeu new-yorkais des deux côtés du terrain. Son capitaine et coéquipier Willis Reed avait pour habitude de dire « C’est la balle de Clyde, il nous laisse simplement jouer avec de temps en temps ». Sur le plan défensif, Frazier est très vite devenu un pickpocket hors-pair avec ses mains rapides et sa capacité à voler les ballons dans les mains de ses adversaires. Adepte d’une vision du jeu défensif à part, Frazier la décrit ainsi : « En défense, je ne crois pas au fait de rester toujours au contact de l’adversaire. Je préfère prendre mes distances pour qu’ils se demandent toujours où je suis exactement. J’ai l’avantage parce que mains sont ultra rapides. C’est un peu comme si je faisais le mort, je suis là, prêt à agir, mais je me comporte comme si ce n’était pas le cas. Comme ça, ils sont plus tranquilles que si j’étais en train de leur mettre la pression non stop. Et c’est là qu’ils se relâchent. ». Frazier sera élu 7 années d’affilées dans la NBA All-Defensive First Team (de 1969 à 1975), ce qui montre sa régularité au plus haut niveau dans cet exercice et en fait l’un des meilleurs meneurs de l’histoire sur le plan défensif puisqu’au poste de meneur, seul Gary Payton compte plus de sélections que Frazier dans la NBA All-Defensive First Team. Sa troisième saison sera la plus aboutie sur le plan individuel mais également collectif. Élément majeur de la plus belle époque des Knicks, celle d’une équipe coachée par Red Holzman, prônant un basket simple et collectif, il décrit lui-même l’équipe de 1969-70 comme le point culminant de sa carrière. Auteur de 20.9 points, 6 rebonds et 8.2 passes à presque 52 % au shoot en 39.5 minutes par matches, Frazier est sélectionné au All-Star Game, dans la NBA All-Defensive First Team et dans la All-NBA First Team cette année-là. Il participe grandement à la belle saison des Knicks qui, après une série de 18 victoires consécutives au début de la saison (ce qui est alors un record NBA), finissent avec le meilleur bilan de la saison et le meilleur bilan de l’histoire de la franchise (à égalité avec la saison 1992-1993), 60 victoires pour 22 défaites. Sous les ordres d’un Red Holzman coach de l’année cette saison-là et avec un Willis Reed élu MVP de la saison régulière, les Knicks dominent grâce notamment à leur solide défense (trois Knicks sont élus dans le premier cinq défensif de l’année : Frazier, DeBusschere et Reed), la meilleure de la Ligue en n’autorisant que 105.9 points par matches, soit quasiment 6 de moins que la seconde meilleure défense de la Ligue en cette saison 1969-1970. Toutefois, cette saison record n’a pas encore atteint son apogée. En Playoffs, New York élimine les Baltimore Bullets en 7 matches puis les Milwaukee Bucks de Lew Alcindor (futur Kareem Abdul-Jabbar) en 5 matches pour arriver jusqu’à une finale opposant les deux plus grandes métropoles du pays, New York et Los Angeles. Les Los Angeles Lakers sont emmenés par leur trio Jerry West, meilleur marqueur de la Ligue avec 31.2 points par matchs, Wilt Chamberlain et Elgin Baylor, et s’apprêtent à affronter les Knicks dans ce qui restera l’une des Finales NBA les plus mythiques de l’histoire. Pourtant moins expérimentés que les Lakers à ce stade de la compétition, les Knicks sont les favoris des bookmakers. Les deux équipes n’arrivent pas à se départager et à 3-3, ces Finales s’apprêtent à rentrer dans l’histoire au terme d’une série incroyable. Cette dernière est marquée par le shoot miraculeux depuis sa propre moitié de terrain de Jerry West pour offrir la prolongation aux Lakers dans le Game 3, puis la blessure de Willis Reed dans le Game 5, forçant les Knicks à jouer sans pivot pour éloigner Wilt Chamberlain de la raquette (le « small ball » avant le « small ball »). À l’orée du Game 7 décisif, il n’est toujours pas certain que Willis Reed puisse jouer et sans lui il sera difficile de contenir un Chamberlain qui s’est régalé dans le match 6 avec 45 points et 27 rebonds. Finalement, après avoir reçu des injections d’analgésiques pour jouer malgré la douleur, Reed entre sur le terrain pendant l’échauffement et débute le match sous les applaudissements du Madison Square Garden. Limité physiquement, Reed marque les 4 premiers points de son équipe et se donne à fond en défense. Son apport sera finalement plus psychologique pour ses coéquipiers qui se transcendent que statistique puisqu’il ne joue que la première mi-temps pour 4 points et 3 rebonds mais son entrée sur le terrain, alors même qu’il est blessé, a eu un impact énorme. Walt Frazier emmène son équipe en réalisant l’une des plus incroyables performances lors d’un Game 7 de Finales NBA en ce 8 mai 1970 pour offrir le titre à New York avec ses 36 points (12/17 aux tirs et 12/12 aux lancers-francs) et 19 passes décisives (plus 7 rebonds et 5 interceptions).

 

Pendant ce temps Chamberlain passe à côté de son match avec un 1/11 au shoot et les Knicks sont champion pour la première fois de leur histoire, 24 ans après leurs débuts dans en NBA. Le pivot gaucher Willis Reed est élu MVP des Finales et est le premier joueur à remporter la même saison les trophées de MVP, MVP du All-Star Game et MVP des Finales (avant d’être rejoint par Michael Jordan et Shaquille O’Neal). Dès lors, emmenés par leur duo Frazier-Reed, les Knicks s’imposent comme l’une des meilleures équipes des années 70 et sans aucun doute la meilleure de ce début des 70’s. Frazier forme à présent un fabuleux backcourt surnommé « Rolls Royce » avec Earl Monroe, dont Frazier dira : « Il est le feu et je suis la glace. ». Il continue de porter les Knicks offensivement comme défensivement et ils retrouvent les Finales NBA en 1972, perdues face à des Lakers revanchards. L’année suivante, Frazier et ses coéquipiers débutent la saison avec beaucoup d’ambition et au terme d’un saison régulière aboutie, ils éliminent les Bullets au premier tour en 5 matches, puis en finales de Conférence ils éliminent en 7 matches des Boston Celtics pourtant auteur du meilleur bilan de leur histoire (68-14). La finale les oppose à nouveau aux Lakers, toujours emmenés par leur duo West-Chamberlain, mais un duo vieillissant puisqu’ils ont alors respectivement 35 et 36 ans. Frazier et ses coéquipiers perdent le premier match avant d’infliger 4 défaites d’affilées à des Lakers impuissants. Les Knicks remportent leur second titre. Willis Reed est à nouveau élu MVP des Finales mais le véritable leader de cette équipe est Frazier qui tourna à quasiment 22 points de moyenne pendant ces Playoffs 1973. Malheureusement pour les Knicks et pour Frazier, cette époque dorée pour eux prend fin. Reed et DeBusschere prennent leur retraite à la fin de la saison 74 et laissent Frazier seul aux commandes. Ce dernier, esseulé, a bien du mal à faire gagner son équipe qui manque les Playoffs deux années d’affilées en 1976 et 1977. Auteur d’une saison 1977 en déclin statistiquement (17.4 points, 3.9 rebonds et 5.3 passes), Frazier est envoyé aux Cleveland Cavaliers dans un échange. La vie new-yorkaise de « Clyde » prend alors fin après 10 saisons sous le maillot des Knicks qu’il quitte avec le record du nombre de matchs joués avec les Knicks (759), du nombre de minutes (28 995) et de points marqués (14 617) jusqu’à ce que Patrick Ewing ne le dépasse. Il détient toujours le record du nombre de passe effectuées avec 4 791 offrandes sous le maillot des Knicks. Aux Cavs, il joue deux saisons tronquées par des blessures répétées au pied puis est coupé au bout de trois matches la troisième année en 1979-1980. Il prend alors sa retraite. Dès 1979 son numéro 10 est retiré par les New York Knicks. 7 fois all star, dont une fois MVP du All-Star Game en 1975 avec 30 points, 5 rebonds, 2 passes, et 4 interceptions, mais également 4 fois nommé dans la All-NBA First team (1970, 1972, 1974, 1975) et deux fois dans la All-NBA Second team (1971, 1973), Walt « Clyde » Frazier se sera imposé comme l’un des meilleurs meneurs de son époque et comme le pilier de la plus belle période des New York Knicks avec les deux seuls titres de la franchise à ce jour (on aime bien Julius Randle et compagnie mais c’est pas pour demain le troisième titre). Intronisé au Hall of Fame en 1987, cette véritable légende des Knicks en est encore plus devenue un emblème en commentant depuis les années 90 les matches de la franchise de New York. En 1996, à l’occasion du cinquantenaire de la NBA, il est élu parmi les 50 plus grands joueurs de l’histoire de la NBA mais son impact va bien au-delà. En effet, Frazier est aussi à l’initiative d’une révolution dans le monde NBA lorsqu’il tape dans l’œil de Rudolf Dassler, fondateur de Puma, qui lui propose un contrat de 5 000 dollars alors que les équipementiers se contentaient jusqu’alors de donner des paires gratos aux joueurs NBA. Walt devient alors le pionnier des « signature shoes » en NBA avec ses Puma Clyde. Cette dernière, mise en valeur aussi bien sur et en dehors des terrains par l’élégant Walt Frazier, dépasse rapidement le cadre du basket et devient l’une des chaussures les plus tendance des années 70 jusqu’à nos jours.

 

Palmarès :

  • 2 fois Champion NBA : 1970 et 1973
  • 7 fois All-Star : de 1970 à 1976
  • 4 fois All-NBA First Team : 1970, 1972, 1974 et 1975
  • 2 fois All-NBA Second Team : 1971 et 1973
  • 7 fois All-Defensive First Team : de 1969 à 1975
  • 1 fois All-Rookie First Team : 1968
  • Meilleur passeur de l’histoire des New York Knicks : 4 791
  • Stats en carrière : 18.9 points (à 49 % au shoot), 5.2 rebonds et 6.1 passes de moyenne en 37.5 minutes par matches.