par Ewen FOLLIOT

Oscar Robertson est un ovni dans l’histoire du basket. Un prototype de joueur comme on en verra aucun autre avant près de 50 ans. De ses gammes à l’université jusqu’à ses exploits sous le maillot des Cincinnati Royals en NBA (voir Partie 1), Big O a épaté, émerveillé, étonné… Énervé aussi. Les adversaires qui devaient tenter de l’arrêter, bien sûr, mais également son management dans l’Ohio, qui a décidé de le trader vers Milwaukee à l’issue de la saison 1969-70. Ceci marque le dernier tournant de sa carrière, en tant que joueur en tout cas.  

Descendre du trône pour mieux régner

Dans le Wisconsin cependant, il y a déjà un patron. Oscar Robertson, toute superstar qu’il est, est forcé d’adopter un rôle bien différent de celui qu’il endossait chez les Royals, en raison de la présence d’un pivot dominant : un certain Kareem Abdul-Jabbar. Le roi du skyhook ne joue là que sa deuxième saison professionnelle, mais il domine déjà le jeu de la tête et des épaules, au sens propre comme au figuré. Face à cette puissance de feu, Robertson est bien obligé de céder sa couronne de Franchise Player. Et pourquoi cela serait-il un problème, après tout ? On ne l’appelle pas “Mister Triple Double” pour rien : si Big O doit reléguer son volume de tirs au second plan, rien ne l’empêche de continuer à passer le ballon, prendre des rebonds et contribuer dans tous les petits compartiments du jeu comme il sait si bien le faire. Bingo ! Ses statistiques personnelles diminuent, certes, “seulement” 19 points, 8 passes décisives et 6 rebonds en moyenne par match mais à ses côtés, Kareem Abdul-Jabbar tourne à 31 points et 16 rebonds de moyenne, bien aidé par les caviars que lui sert son meneur. Sans surprise, le duo fonctionne du tonnerre et propulse Milwaukee vers les sommets dans une saison où la franchise totalise 66 victoires pour seulement 16 défaites. Première place de la NBA et cap sur les playoffs pour l’équipe du Wisconsin. Ces playoffs, les Bucks vont tout simplement les manger. En entrée, les Warriors de San Francisco éliminés 4-1, net et sans bavure. Vient ensuite le plat de résistance. Un bien grand mot puisque les Los Angeles Lakers, amputés de Jerry West et Elgin Baylor tous deux blessés, ne vont pas réellement en opposer aux Bucks. Milwaukee s’impose 4-1 et gagne le droit de déguster son dessert : des finales NBA face aux Baltimore Bullets. Avalés sans vergogne par Big O et sa bande, ceux-ci s’inclinent dans un sweep sévère : 4-0. Robertson touche enfin l’or du trophée NBA, lui qui joue là sa onzième saison dans la ligue. Certes il le glane en tant que bras droit d’un Kareem Abdul-Jabbar inarrêtable, et sous un maillot autre que celui des Royals auxquels il aurait voulu offrir un championnat, mais le plus important c’est qu’il l’a eu, son titre.

Kareem Abdul-Jabbar (gauche) et Oscar Robertson (droite) sous le maillot des Bucks

 Les saisons suivantes sont du même acabit pour les Bucks. Portés par KAJ, désormais star incontournable de la ligue entière, ils ne descendent pas sous la barre des 59 victoires entre les saisons 1972 et 1974. En playoffs cependant, ils échouent à trois reprises. La première, en finale de conférence face à des Los Angeles Lakers revanchards qui viennent à bout de Milwaukee en six matches. Sur l’exercice 1972-73, les Bucks se font surprendre dès le premier tour par les Golden State Warriors, qui réalisent l’upset en les éliminant 4-2. De retour en playoffs la saison suivante avec le couteau entre les dents, Milwaukee s’élève jusqu’en finales NBA, pour affronter cette fois-ci les Boston Celtics. Menés 3-2 à l’abord du sixième match, ils livrent une rencontre dantesque pour arracher l’égalisation en double prolongations. Néanmoins le match 7 ne leur est pas aussi favorable et ils s’inclinent lourdement, laissant filer un potentiel deuxième titre. C’est sur cette défaite qu’Oscar Robertson tire sa révérence, et quitte définitivement les parquets, après 14 saisons passées en NBA sur lesquelles il totalise  25 points, 9 passes décisives et 7 rebonds par match en moyenne. Pour son physique et son style, le meneur aura apporté une véritable révolution du jeu à son poste, si bien que personne à cette époque ne parvient à égaler ni même approcher ses performances. Aujourd’hui encore, il se place 13e parmi les scoreurs les plus prolifiques de tous les temps et 6e chez les passeurs. L’influence de Big O sur la NBA ne se limite cependant pas à des séquences de 48 minutes.  

Après le buzzer

Oscar Robertson, c’est le jeu, certes. Mais c’est aussi l’un des plus grands acteurs dans les coulisses, parmi les joueurs ayant foulé les parquets de la Grande Ligue. Dès 1965, il prend la tête du syndicat des joueurs et œuvre pour améliorer les conditions (financières notamment) des athlètes NBA. Rappelons qu’à l’époque, leurs salaires sont bien moins mirobolants que ceux que l’on peut connaître aujourd’hui et beaucoup de joueurs sont contraints de compléter la maigre pension versée par leur équipe avec un petit boulot à côté, au moins pendant l’intersaison. Pour cela, il menace, avec l’appui de plusieurs autres, de ne pas jouer les All Star Games sur les prochaines saisons, et obtient petit-à-petit gain de cause. Il s’engage également pour permettre aux joueurs d’obtenir le statut d’agent libre, comme cela se fait en ABA et pousse grandement à la fusion entre les deux ligues afin de forcer la NBA à adopter le même modèle économique.
Après son départ à la retraite, Robertson se lance surtout dans la lutte active contre le racisme aux États-Unis. Ayant lui-même grandi dans l’injustice et la violence discriminatoire, il fait tout pour offrir aux noirs-américains de meilleures conditions de vie. À Indianapolis, il aide à la création de logements sociaux dédiés aux noirs les plus démunis et à Cincinnati, il crée des bourses pour les étudiants issues de minorités ethniques. Son combat, Oscar Robertson l’a mené jusqu’au bout, sur et en dehors des parquets. Sa réussite à tous les niveaux inspire encore les rêves de bien des jeunes qui souhaitent devenir basketteurs, et même ceux des professionnels actuels qui le citent en référence.