par Jean VEILLEROT

Artis Gilmore peut se vanter d'être un grand joueur dans tous les sens du terme. Pour sa taille et sa carrière. Du haut de ses 2m18, il a fait briller de sa présence les parquets de NCAA, ABA et NBA. Le grand dadet est même allé squatter les salles de basket européennes.

 

De la pauvreté au succès, Artis a franchi toutes les étapes pour devenir une légende. Malheureusement, cette légende n'est pas appréciée à sa juste valeur. La preuve ?
Il n'est intronisé au Hall of Fame qu'en 2011, alors qu'il a raccroché les sneakers en 1989. Les louanges que le pivot a lancées à la ABA en la comparant à la NBA lors de son discours d'intronisation étaient peut-être une vengeance bien méritée.

 

ARTIS GILMORE MARCHE PIEDS NUS SUR LA NCAA

Artis Gilmore est né le 21 septembre 1949 dans un village de Floride nommé Chipley. Il vit dans une famille nombreuse et ses parents travaillent très dur pour pouvoir nourrir leurs petits protégés. Gilmore grandit vite, trop vite, si bien qu'il doit porter des vêtements qui ne lui vont pas et marcher pieds nus car sa mère ne trouve pas de chaussures à sa taille. De plus, depuis son enfance, Artis est victime de discrimination raciale, chose malheureusement assez commune au sud des États-Unis à l'époque. Mais malgré ces conditions difficiles, « the A-Train » va être diplômé au lycée et rentrer dans la petite fac de Gardner-Webb. Il joue deux saisons avec leur équipe universitaire avant de changer d'équipe pour aller aux Jacksonville Dolphins en 1969.

Artis Gilmore en pleine détente avec les Jacksonville

 Son arrivée dans cette team plus prestigieuse va lui permettre d'exploser aux yeux de l'Amérique. Dès sa première année, son équipe affiche un bilan de 27 victoires pour 2 défaites et va jusqu'en finale du tournoi NCAA pour leur première participation. Ils sont défaits par la fabuleuse équipe d'UCLA, vainqueur des trois éditions précédentes et des trois suivantes. La dernière saison de la carrière universitaire d'Artis Gilmore sera moins reluisante collectivement. Mais d’un point de vue individuel, il fait aussi fort que lors de sa première année à Jacksonville. En effet, si nous n'avons pas encore parlé du bonhomme en lui-même, ce n'est pas parce qu'il est une pierre insignifiante dans l'édifice des Dolphins. Loin de là. Sur ses deux saisons à Jacksonville, Gilmore a fini à plus de 20 points et 20 rebonds de moyenne. Et ses 22,7 rebonds par match lors de sa carrière NCAA sont un record du championnat.

 

LA ABA, SON TERRAIN DE JEU FAVORI

 Il est temps pour Artis de se présenter à la Draft. Mais dans cette Draft NBA de 1971, il n'est choisi qu'en 117ème position par les Chicago Bulls. Cependant, il est aussi sélectionné en 8ème choix par les Kentucky Colonels lors de la Draft ABA. Le moustachu choisit la seconde option. Et quand on lui demande les raisons de son choix, il répond qu'il préfère la couleur du ballon de la ABA. L'emblématique balle bleu, blanc, rouge. Il a de l'humour le « gentle giant ». Mais les Colonels avaient surtout un plus gros contrat à lui offrir et vu la pauvreté dans laquelle était sa famille, son choix est très compréhensible. De plus, Gilmore est bien entouré à Kentucky avec les deux futurs Hall of Famers que sont Dan Issel et Louie Dampier.

« The A-Train » va tout casser dès sa première saison. 23,8 points, 17,8 rebonds et 5 contres par match. De quoi empocher le titre de rookie de l'année mais aussi celui de MVP. La saison suivante, il emmène son équipe jusqu'en finale. Mais après avoir loupé le coche cette année-là, les Kentucky Colonels se rattrapent en 1975 en remportant le titre ABA. Artis Gilmore a bien entendu été monstrueux en finale avec un match à 41 pions et 28 rebonds, portant le score de la série à 3-0. Et au game 5, le Floridien assure le titre avec 28 puntos et 31 rebonds. Les pauvres Pacers d’Indiana se sont fait maltraiter par l'aspirateur Gilmore. Ce dernier remporte logiquement le titre de MVP des Playoffs. Après la saison 1975-1976, où les Colonels finissent en demi-finale, la ABA va fusionner avec la NBA. Sur ses 5 saisons passées en ABA, Artis a toujours été All Star. Il possède la meilleure moyenne de rebonds par match (17,1) et détient le record du plus grand nombre de contres de la courte histoire de cette ligue.

 

MISSION DOMPTAGE DE TAUREAUX POUR ARTIS

En 1976, une Draft de récupération a lieu pour les joueurs ABA dont la franchise n'a pas intégré la NBA. Comme les Kentucky Colonels se sont fait recaler par le videur de la NBA, Artis Gilmore fait partie des joueurs sélectionnables. Il est choisi avec le premier choix par... les Chicago Bulls qui le draft pour la deuxième fois après 1971. Décidément, ils le veulent leur géant à la coupe afro. Mais Chicago, moins bon bilan de la NBA la saison précédente, commence très mal son exercice 1976-1977 avec 13 défaites de suite. Mais en deuxième partie de saison, les Bulls reprennent du poil de la bête et gagnent 20 de leurs 24 dernières rencontres pour arracher leur place en Playoffs. Leur escapade en post-season va s'arrêter dès le premier tour face aux Portland Trail Blazers, futur champion. Lors de l'exercice 1977-1978, Artis Gilmore fait la meilleure saison de sa carrière NBA. Il met 22,9 points, chope 13,1 rebonds et balance 2,2 contres par match. Gilmore honore sa première sélection au All-Star Game NBA et intègre la 2nd All-Defensive Team.

Artis Gilmore sous les couleurs des Bulls de Chicago

 

Mais « The A-Train » n'est pas assez bien entouré et n'arrive pas à transporter les taureaux en Playoffs. Même avec le retour de Jerry Sloan à Windy City en tant que coach, l'équipe peine à atteindre la 6ème place de la conférence Ouest synonyme de qualification pour la post-season. Oui, à l'époque l'équipe de l'Illinois était à l'Ouest alors que les San Antonio Spurs étaient à l'Est, bonjour la logique. Mais c'est justement quand Chicago est basculé dans la conf Est qu'il retrouve le bonheur de jouer en avril, en 1981. Les taureaux passent même le premier tour face aux New York Knicks mais se font violemment sweeper par les Celtics de Larry Bird en demi-finale de conférence. Pendant ce temps-là, Gilmore enchaîne les double-double de moyenne et les sélections All-Star. Il ne coche pas ces deux cases lors de l’unique saison 1979-1980. Une blessure au genou le forçant à se tourner les pouces pendant presque la moitié de la saison. C'est donc à 30 ans qu'Artis Gilmore rate son premier match de saison régulière NBA et ABA confondues. C'est une chose incroyable pour un joueur mesurant près de 2m20. Sur la saison 1980-1981, il rentre 67 % de ses tirs ce qui est le troisième plus gros pourcentage sur une saison de l'histoire à l’époque.

 

QUI POUR LUI PASSER LA BAGUE AU DOIGT ?

Le numéro 53 des Bulls veut être compétitif en Playoffs mais pour cela, la seule solution est de changer d'équipe. En 1982, il rejoint donc les Spurs de George Gervin, lui aussi une ancienne star de la ABA. Mais Gilmore n'ira pas plus loin que la finale de conférence 1983 avec ces Spurs. C'est la décadence pour cette équipe qui ne se qualifie même par pour la post-season en 1984 et qui ne passera plus le premier tour avec Artis. Malgré ses deux sélections All-Star sous le maillot texan, « The A-Train » n'est plus au meilleur de sa forme. Mais quoi de plus normal à plus de 35 ballets ? Le « gentle giant » passe rapidement faire coucou à ses potes des Bulls en 1987-1988 où il joue 24 matchs avec Jordan et Pippen. Il rejoint en cours de saison l'excellente équipe des Celtics pour essayer de gratter une bagouse en sortie de banc. Malheureusement Boston est stoppé par Detroit en finale de conf. Après cela, Gilmore part se faire un dernier petit kiff en Italie à l'Arimo Bologna puis prend sa retraite sportive.

Artis Gilmore était une force de la nature. Sa taille et ses longs bras lui permettaient de choper tous les rebonds qui lui passaient sous la main. Il est actuellement le 5ème meilleur rebondeur de l'histoire mais aussi le 4ème plus gros contreur en comptabilisant NBA et ABA. Gilmore faisait peur sous la raquette, très peur même. Il est l'une des très rares personnes sur cette planète à pouvoir se vanter d'avoir contrer le célèbre skyhook de monsieur Kareem Abdul-Jabbar. Artis était puissant, très athlétique et n'hésitait à finir en force au-dessus des défenseurs. Ce n'est pas par hasard qu'il est surnommé « the A-Train », car lorsque le train passe, on s'écarte. Mais si le TGV était dévié de son chemin l'emmenant au panier, Gilmore ne déraillait pas et le toucher de sa belle papatte gauche faisait le boulot. En effet, il est reconnu pour être l'un des joueurs maîtrisant le mieux le hook, après KAJ bien-sûr. Le « gentle giant » est le joueur retraité ayant le plus haut pourcentage de réussite au tir de la NBA avec 59,5 %.

Qualifié de monstre par son coach aux Kentucky Colonels, Hubie Brown. Décrit comme un excellent coéquipier et personne ne voulant rien d’autre que la victoire par son ex-teammate George Gervin, Artis Gilmore était un basketteur respecté de tous. Mais l'ombre que lui faisaient Kareem Abdul-Jabbar et l'éclosion de Moses Malone l'empêchait d'éclairer de mille feux les yeux des fans qui aujourd'hui ne le considèrent pas assez. Mais la sympathie, la défense, la puissance et le toucher d'Artis Gilmore l'ont mené jusqu’à une glorieuse place. Celle de Hall of Famer.